Vivre l'urbanité en zone polaire ; espace de tous les défis climatiques
Situation actuelle
Les changements climatiques touchent toutes les régions du globe. Toutefois, ce sont les pôles qui vivent les conséquences les plus tangibles et rapides. Norilsk ne fait pas exception à la règle, puisqu'elle se réchauffe à une vitesse deux fois plus vite que le reste de la Russie et quatre fois plus rapidement que le reste de la planète. Ces changements dans le climat à Norilsk sont particulièrement désastreux sur le pergélisol, les impacts seront discutés ci-dessous.
La pollution est une composante dont il est impossible de faire abstraction, puisqu'elle est généralisée à Norilsk. Son importance est telle qu'elle joue un rôle direct sur la résilience de la ville et qu'elle impacte directement les capacités à réagir à un choc dans l'une des villes les plus polluées du globe.
Fonte du pergélisol
Norilsk est la plus grande ville jamais construite sur le pergélisol. Avec les changements climatiques, le pergélisol, à Norilsk, a une épaisseur de quatre mètres en hiver et de un mètre en été. Ainsi, la différence de sols gelés varie de trois mètres annuellement. Ce changement intense de l’épaisseur de la couche active du pergélisol amène plusieurs problèmes liés aux structures et infrastructures ainsi que sur la qualité de l'air. Tous ces problèmes diminuent la capacité de la ville à s'adapter et à réagir aux chocs futurs.
Impacts de la fonte du pergélisol sur les structures et infrastructures
Exposition au risque d'affaissement des infrastructures vieillissantes
Luhn, 2016
La vulnérabilité des infrastructures face à la fonte du pergélisol est en partie due à la non-considération des caractéristiques du climat propre à Norilsk. La rudesse du climat aurait nécessité un urbanisme spécifique. Or, il semblerait que « celui de Norilsk reste parfaitement typique de la période stalinienne, combinant classiquement plan en damier et immeubles aux imposantes façades » (Bayou et Le Bourhis 2008, 36). Aussi, force est de constater que les sols sont également réchauffés par la chaleur émanant de la canalisation des eaux et du chauffage. Tout cela, combiné à la fin de vie des bâtiments qui est largement dépassée, rendent particulièrement vulnérable la ville de Norilsk face à la fonte du pergélisol.
La fonte du pergélisol et la fragilisation des structures des bâtiments causent également des problèmes au niveau de la dégradation de l’environnement, puisqu’elle fragilise les infrastructures d’extraction des matières premières. Ainsi, les risques de déversements sont plus grands. Par exemple, en mai 2020, à Norilsk, ce sont 20 000 tonnes de diesel qui se sont échappées à la suite d’un affaissement des structures d’un réservoir de la Norilsk Nickel. Ces 20 000 tonnes se sont par la suite répandues dans deux rivières qui alimentent un lac et qui s'écoulent dans l’océan Arctique. La catastrophe a été telle que la Russie a déclaré l’état d’urgence.
Lavelle, 2021
Quelques chiffres
Actuellement, 60% des infrastructures qui ont été endommagés par la fonte du pergélisol. 10% des bâtiments ont également été abandonnés à cause des risques d’effondrement.
D’ici 2023, 66 bâtiments auront plus de 70% de dommages structurels et devront être démolis
Au début des années 2000, 20% des infrastructures souterraines qui s’étendaient sur plus de 60 km étaient sévèrement endommagées et devaient être remplacées alors que 70% de ces mêmes infrastructures étaient modérément endommagées et se devaient d’être réparées
Pollution et vulnérabilité
La pollution est un phénomène généralisé à Norilsk étant donné les industries d’extraction qui y sont présentes en grand nombre. Effectivement, Norilsk, de par la richesse de ses sols, abrite plusieurs compagnies qui y extraient des métaux non ferreux comme le cuivre et le nickel, en particulier la Norilsk Nickel. En plus de contribuer de façon notable à l’augmentation des changements climatiques de par le rejet de dioxyde de carbone dans l’air, ces compagnies rendent également vulnérable le site étudié. Cela s’explique en particulier par la dégradation de la qualité de l’air qui amène par la suite plusieurs autres conséquences, réduisant les capacités du site de s’adapter, mais également de résister à des événements perturbants.
Pollution de l'air
La Norilsk Nickel est la plus grande pollueuse de l’air de toute la Russie. Elle rejette dans l’atmosphère du dioxyde de soufre et du sulfure.
Le dioxyde de soufre s’oxyde en anhydride sulfurique puis se combine à l’humidité de l’air pour devenir de l’acide sulfurique. Cet acide sulfurique, dans un environnement polaire, produit un smog d’hiver qui a des répercussions désastreuses sur la santé des habitants. Le taux de mortalité au cancer des poumons est de 1,2 à 2,5 fois plus élevé à Norilsk que dans tout le pays.
Les décharges annuelles de dioxyde de sulfure dans l’atmosphère sont de deux millions de tonnes. La Norilsk Nickel est l’entreprise qui produit le plus de dioxyde de sulfure au monde. À elle seule, elle produit plus d’émission de dioxyde de sulfure que les États-Unis annuellement. Le seul phénomène capable d’émettre autant de dioxyde de sulfure dans l’air se trouve à être un volcan en éruption.
Pluies acides
La pollution de l’air entraîne des pluies acides très concentrées en dioxyde de sulfure qui, elles, amènent par la suite une acidification des sols et une dégradation de la biodiversité. Ces enjeux sont importants puisque ceux-ci ont des impacts directs sur la sécurité alimentaire, donc la vulnérabilité. En effet, on constate déjà l’augmentation de déserts alimentaires causés par la pauvreté du sol, le brulage de forêts et la rareté constante de ressources. Aux alentours de Norilsk, ce sont 5,9 millions d’acres de forêts boréales mortes ou en train de mourir, ce qui équivaut à un territoire plus vaste que l’état du New Jersey.
Les pluies acides polluent les eaux souterraines. Cela est d’autant plus vrai avec l’augmentation de la couche active du pergélisol comme vu précédemment. Ainsi, la salinisation de la couche active agit comme un cercle vicieux sur le phénomène de fonte du pergélisol, car qui dit eau salée dit eau plus difficile à se geler.