Vivre l'urbanité en zone polaire ; espace de tous les défis climatiques
Flexible
Ce concept, appliqué à l’aménagement du territoire, désigne les qualités d’évolution et d’adaptation d’un système à des circonstances changeantes (ARUP, 2013). Un milieu urbain flexible est capable de se remodeler physiquement et fonctionnellement selon les besoins de ses occupants et par rapport à son contexte environnemental, économique et social. Cette qualité inclut une conscience et habileté technique par rapport à l’existant : dans la définition d’ARUP, la flexibilité peut s’obtenir par l’introduction de nouvelles connaissances ou technologies.
Consolider la capacité de la ville à répondre au changement.
Dans le cas de Norilsk, pour permettre de renforcer la résilience de la ville face aux changements climatiques et la durabilité de ses infrastructures, le projet intègre pleinement cette préoccupation de la flexibilité de ses aménagements en prônant de nouvelles approches architecturales et urbanistiques.
Perméabilité physique : le nouveau réseau routier projeté
La flexibilité peut s’appréhender à partir du concept de perméabilité (Bentley et al., 1995). Cette propriété agit sur la disposition d’un environnement urbain à pouvoir offrir des alternatives à ses usagers. Dans le projet de Norilsk 2035, cette capacité d’offrir des choix s’illustre particulièrement à travers l’accessibilité des espaces : des propositions sont faites pour la consolidation de la perméabilité véhiculaire et piétonne des habitants du Central district.
Une nouvelle organisation du réseau routier fut imaginée afin d’assurer une meilleure desserte des quartiers résidentiels et, à l’interne, permettre une plus grande mobilité active. Sur la carte (voire figure), ces nouvelles voies de circulations projetées relient et encerclent le central district et une extension du réseau de transport en commun est planifiée afin d’assurer une meilleure desserte de la zone et des quartiers résidentiels. Les concepteurs sont parvenus à trouver de nouveaux itinéraires et à imaginer de nouveaux liens qui redessinent les frontières et limites du site et des usagers. Ces nouvelles routes projetées consolident la flexibilité du site en augmentant sa perméabilité et son accessibilité physiques.
Perméabilité visuelle : les blocs
Un travail sur la structure viaire est également prévu dans le projet urbain Norilsk 2035, avec la proposition de nouvelles rues qui pénètrent à l’intérieur des quartiers et la conception d’aires récréatives pour favoriser les déplacements piétonniers. Cette augmentation de la perméabilité piétonnière est abordée dans les sections portant sur la conception des blocs d’habitations et rejoint le préceptes de Bentley (1995) : selon l’auteur, la perméabilité physique et visuelle dépend de la façon dont le réseau d’espaces publics divise l’environnement en blocs (qui peuvent varier en taille et forme).
Dans une approche de ville du quart d’heure (ou « révolution des proximités » ; C. Moreno) , les concepteurs du projet favorisent une regroupement des fonctions en un unique bloc qu’ils nomment « micro-district ». Cette nouvelle forme urbaine favorise une densification du développement urbain à venir dans Norilsk avec l’émergence de zones résidentielles plus petites, formées par l’ajout de nouvelles rues clairement zonées et l’aménagement de cours fermées. L’implantation de ces nouveaux blocs résidentiels et la mutation de l’espace public qui en découle véhiculent les intentions des planificateurs d’augmenter la marchabilité du site et ses liaisons avec la ville. Les préceptes de Bentley se retrouvent dans cette stratégie d’aménagement puisque l’auteur considère que les petits blocs offrent plus de choix d’itinéraires, et donc plus de perméabilité physique, pour un investissement donné dans l’espace public.
Source : @Stepanov Slava
Le développement de la perméabilité visuelle entre l’espace public et privé est également prévu : dans le projet chacun des blocs est, en partie, identifiable par l’apparence de ses rues et de ses espaces publics. Les zones de liens (entre les immeubles et commerces de détails) de ces blocs profiteraient d’aménagements paysagers spécifiques afin de permettre une diversification de l’apparence des quartiers du Central District et, finalement, renforcer la flexibilité de ces espaces pour ses usagers.
Structures modulaires
Le projet urbain de Norilsk 2035 promeut de nouvelles méthodes architecturales favorisant la prise en compte des attentes et habitudes des résidents : avec la méthode modulaire, la flexibilité est prise en compte du début (conception) à la fin de « vie » (potentielle démolition) des bâtiments publics et résidentiels du Central district. Ces derniers possèdent cycle de vie (« lifecycle ») qui considère chaque étape de réalisation, allant de la production et livraison des matériaux de construction au possible démantèlement de la structure. Chacune de ces étapes intègre un souci environnemental (eu égard l’empreinte carbone) et des préoccupations d’ordre économique (chantiers, origine et livraison des matériaux, commodités d’assemblage). Une fois que le bâtiment est terminé, aux moyens de schémas 3D et d’un panel d’options qui leurs sont proposées, les nouveaux résidents peuvent personnaliser les finitions et l’ameublement.
Les connaissances techniques se combinent aux avancées technologiques pour proposer une nouvelle interface aux usagers du territoire, s’adapter aux volontés des habitants et renforcer la capacité d’adaptation de l’habitat urbain de Norilsk aux diverses contraintes (économiques, logistiques, énergétiques).
Adaptive planning
La planification de l’adaptation dirige la conception, la construction et l’évolution continue des zones urbaines afin de leur permettre d’anticiper et de réagir aux changements dans l’environnement et la société (Rutger de Graaf, 2012).
Dans le cadre du projet Norilsk 2035, le développement urbain s’axera sur une adaptation aux différentes saisons par un jeu de couleurs sur certaines façades et recoins des bâtiments résidentiels. La couleur verte fut notamment retenue par les concepteurs dans un souci d’intégration visuelle avec les opérations d’aménagement paysager à venir (verdissement).
Le projet prévoit la création d’espaces publics piétons conçus pour être fréquentés durant toutes les saisons (« all-season public spaces »). Au sein d’un des blocs, une aire de promenade pour chiens fit notamment l’objet d’une double conception en design urbain : l’une pour la saison estivale, l’autre pour la saison hivernale. Par ces considérations sur la flexibilité, les espaces du Central district s’adaptent dés lors au milieu et au climat pour permettre un maintien des usages et de la fréquentation des résidents.